vendredi 11 décembre 2015

Juste après

Quel vin peut on boire, juste après ? Quand on a dans la bouche un goût amer, âcre et astringent, si fort qu'il nous donne la nausée, quels arômes peuvent venir gommer l'impression de l'horreur ?

Quand on se réveille un 14 novembre, qu'on tremble encore de peur et qu'on ose à peine croire que les êtres chers sont encore bien debout, on veut d'abord s'enfermer dans la cave, ne plus voir les images, ne plus entendre les bruits horribles des balles et des sirènes. On voudrait pouvoir se réveiller et réaliser que tout cela n'a été qu'un affreux cauchemar. Mais la réalité court toujours bien plus vite que nous. On téléphone, on textote, on twitte, le regard dans le vide, la vie suspendue. Le cerveau, bon ami, déclenche un anesthésiant puissant qui rend toutes nos sensations cotonneuses. Comme un lendemain de soirée trop arrosée, le mal de crâne en moins.

Résultat de recherche d'images pour "bouteille de vin et bougie"

J'ai pris une bouffée d'air frais, et puis j'ai décidé que j'avais envie de champagne. Je n'avais pas encore pu serrer mes survivants à moi dans les bras, mais je voulais fêter cette chance incroyable de ne les avoir pas perdus. Je voulais que les bulles pétillent comme une résistance à cette guerre noire qui avait envahi nos quotidiens. Je voulais remplacer mon désarroi cotonneux par une ivresse pleine de légèreté. J'ai trinqué à la santé des êtres aimés en me promettant de le leur dire à voix haute.

Et puis juste après, au terme d'heures des questions et de kilomètres avalés sans réfléchir, on a fait une grande tablée devant le feu. On s'est assis là et on a ri comme si rien de tout cela n'était arrivé. On ne s'est pas serrés dans les bras, on a ri, parce que c'est comme cela qu'on conjure le mauvais sort. C'était un moyen de se dire que rien n'avait changé. Mon père, ce taiseux, est descendu chercher une belle bouteille de Crozes Hermitage pour mettre de l'élégance dans ces retrouvailles impromptues mais Ô combien importantes. On a trinqué à la vie.

J'ai dégusté ces deux bouteilles la gorge serrée. de peur, d'émotion, de soulagement, de joie et d'un mélange de tout cela. Je n'ai pas réussi à leur dire que je les aime, mais j'ai trinqué avec eux, et au fond, c'est presque pareil. Dans le vin, il y a le plaisir, il y a l'humanité, il y a la vie, notre histoire et notre futur.

Trinquons: je vous aime.

lundi 9 novembre 2015

Une saison de plus

J'ai participé à la magnificence de ce millésime 2015. Une merveille, a priori, même s'il faudra vérifier d'ici quelque temps que le divin nectar tient toutes ses promesses. Peut être pourrais je annoncer dans 20 ou 30 ans avec un fier sourire: j'étais là! Je l'espère, même si en fait, je n'en sais pas grand chose.

J'ai retrouvé le chai, ses odeurs, ses outils bizarres, ses réflexes étranges (nettoyer, nettoyer, nettoyer...). La semaine de préparation s'est passée comme d'amicales retrouvailles: ah te voilà, la pompe, qu'as tu fais depuis novembre dernier ? tu fonctionnes ? tu ne fuis pas ? On va encore former un sacré tandem toutes les deux!


Puis sont arrivés les vendangeurs, dans un joyeux tohu bohu. Leur enthousiasme sécateur à la main est évident. Ils sont tout simplement heureux de faire partie de l'aventure, d'être dans l'équipe. De quoi croire encore un peu en l'âme humaine. Moi j'étais l'ours du groupe, enfermée dans mon chai pour mieux entendre sa douce musique: drosophiles grésillants sur une pompe, douce et régulière percussion de la pompe péristaltique, eau frémissant dans les serpentins... Régulièrement, sous prétexte d'examiner la qualité du raisin je m'échappais vers la table de tri, pour profiter moi aussi de l'effet de troupe, entre deux remontages.



J'ai du boire quelques litres de jus de raisin. Pour dès leur arrivée au chai, essayer de sentir, de distinguer, de goûter toutes leurs caractéristiques et tenter de deviner très approximativement les saveurs du résultat final. Je me suis pensée sur les analyses pour réviser "sur le terrain" une année de bachotage oenologique. Déguster et re déguster en ayant des impressions mais jamais aucune certitude.




Et puis, une à une, les fermentations se sont achevées. Nous avons ouvert la porte aux grains de raisins amoncelés dans les cuves, pour en extraire sous la presse les tous derniers jus. Des moments de travail physiques partagés en équipe, ponctués des éclats de rires qui allègent la chaleur, le poids, la fatigue et rendent les journées bien plus courtes.



Puis est venue la dernière cuve, la dernière presse, le dernier rincage. Le grand nettoyage d'automne. Chaque lot est délicatement rentré dans sa cuve, on a poussé la pompe dans un recoin, débranché la presse, rangé les tamis... J'aurais voulu rester là à les surveiller encore un peu, ces vins. Etre sure qu'ils n'allaient avoir ni chaud ni froid, qu'ils allaient sagement garder jour après jour les notes que je leur connaissais. J'ai fermé la grande porte en traînant les pieds.
La tristesse le disputait à la frustration de n'avoir chouchouté ce 2015 qu'à temps partiel, courant de toutes parts pour essayer de satisfaire à toutes mes obligations pour un résultat plus proche de l'échec que de la réussite.
J'ai manqué deux moments clefs, la vendange de la plus belle parcelle pour une nuit de fièvre, et la rentrée des cabernets pour un projet un peu fou de livre sur les vins belges. Parfois, plusieurs portes s'ouvrent en même temps, mais furtivement. Et quelquefois, elles se referment toutes de concert, nous laissant enfermé dans une tour sans fenêtres, dans un silence abrutissant. Il faut alors replonger son nez dans un verre choisi avec soin, pour retrouver dans un vin sa madeleine de Proust, et remplir le vide du moment d'un millésime plein de promesses.




vendredi 2 octobre 2015

Quand je serai grande, je veux vivre la vigne de Château


C'est l'histoire d'un couple...

Fin des années 2000, Vanessa suivait une carrière de comédienne tandis qu’Andy travaillait dans la pub et l’événementiel. A l’approche de la quarantaine, « comme beaucoup », leur vient cette idée de quitter la ville et de commencer de nouveaux projets. Le vin n’est alors qu’un plaisir hédoniste, et pas encore à l’ordre du jour. Jusqu’à quelques voyages en Suisse, en Allemagne… où le couple goûte des vins « nordiques ». « Et là nous nous sommes dits qu’il y avait quelque chose à faire », raconte Vanessa. « Des vins du Sud, il y en a plein, lourds, alcooleux. Ils ne sont pas mauvais, mais l’on peut aussi avoir envie parfois de quelque chose de différent. C’est gai d’avoir tous les styles à disposition ».


A la recherche de l’acidité perdue

 « Nous sommes partis du principe que l’acidité, est en fait un cadeau du ciel … à l’heure où le soleil tape et où beaucoup de viticulteurs cherchent, eux, à acidifier leurs vins ! ». Cette acidité, que Vanessa osait à peine évoquer au début de peur d’effrayer les dégustateurs, est en fait devenue leur marque de fabrique, la colonne vertébrale des vins de Bioul. « Je pense que les vins septentrionaux goûtent un peu le caillou », car la minéralité joue aussi un rôle prépondérant dans les arômes des vins produits ici. A 200 mètres d’altitude environ, sur un coteau surplombant la Meuse, les parcelles du Château de Bioul sont toutes situées sur des sols escarpés et très caillouteux, sur une veine de schiste carbonifère. Cette pierre, que l’on retrouve en tuiles sur le toit du Château, emmagasine la chaleur du soleil et la restitue la nuit, limitant les amplitudes thermiques trop importantes pour les raisins, qui peuvent ainsi poursuivre leur maturation tout en finesse. La présence de la Meuse en contrebas prévient aussi des risques de gel. Les parcelles sont réparties en trois zones autour de la propriété familiale : La première, près d’une carrière, la seconde, sur une veine calcaire et enfin la troisième, sur un sous-sol de schiste.

Le choix d’une agriculture respectueuse

Dès le départ, Andy et Vanessa choisissent les cépages interspécifiques, venus de Suisse, d’Allemagne ou d’Autriche, en raison de leur résistance particulièrement développée à l’oïdium et au mildiou. En effet, pas question pour eux de se lancer dans un projet d’agriculture si celui-ci n’est pas durable. « Nous n’allions pas lancer un projet qui abimerait ces terres auxquelles nous tenons tant » résume Vanessa « Nous faisons le moins de traitements possible, continue-t-elle, et c’est une vraie fierté. Les sols que nous avons choisis pour planter étaient vierges : ils n’avaient jusque là servi que de pâture. Nous n’avions rien à rattraper donc, et nous ne les abîmons pas. Les sols restent profondément vivants. Nous faisons des traitements en biodynamie, nous utilisons de la chaux s’il y a besoin d’engrais, surtout sur les jeunes plantes, nous travaillons vraiment de la façon la plus localisée qui soit. » conclue-t-elle. La viticulture biologique ? Bien entendu, c’est un de leurs souhaits, mais aujourd’hui matériellement impossible : la viticulture belge n’est pas d’une taille critique suffisante pour que les fabricants de produits phytosanitaires certifiés bios souhaitent demander l’agrément bio belge. Conclusion, ces produits sont introuvables, et la seule solution serait d’utiliser du sulfate de cuivre (bouillie bordelaise) à de très fortes doses (toute pluie lave le produit et réduit donc son efficacité à 0), ce qui à terme, détruirait les sols. Même chose pour la certification Demeter (biodynamie), impossible à obtenir, puisque le vignoble n’est déjà pas certifié bio, ce qui est un préalable !



A Bioul, la mécanisation est impossible : les vignes sont trop en pente. « Je suis pourtant convaincue de la qualité des vendanges machines », poursuit Vanessa, « mais le temps fait finalement lui aussi partie intégrante du processus. Cueillis à la main, les raisins sont vraiment triés de façon très précise ».

Dix hectares et sept cépages

Sur les onze hectares de vigne existant aujourd’hui, 75% sont plantés en blanc, et 25% en rouge « mais nous ne ferons jamais ici de grand rouge », reconnaît Vanessa. « Ce serait faisable, mais il faudrait aller a contrario de toute la philosophie que nous avons mise en place, qui est de ne pas faire des vins techniques. Or pour faire du bon vin rouge, il nous faudrait beaucoup de technique ». Les raisins rouges servent donc à créer deux cuvées de rosé, l’une tranquille, l’autre effervescente. « Des vins à part entière ! » insiste notre châtelaine. Loin des canons des nouveaux pays producteurs, lourds et solaires, les châtelains revendiquent l’identité de ceux qu’ils appellent « les vins du Nord », plus légers, plus aériens, dans la finesse.

Dès 2009, trois hectares ont été plantés, puis, en cinq ans, les ceps se sont littéralement multipliés, pour un domaine qui compte désormais 10 hectares, plus un petit dernier, fort symbolique, planté cette année dans les jardins même du château. « Je ne m’imaginais pas amener des gens ici et leur parler du vignoble sans qu’ils aperçoivent un cep depuis la fenêtre ! » justifie Vanessa. Ce sont donc uniquement des cépages interspécifiques qui ont été choisis, avec les conseils d’ingénieurs agronomes allemands et notamment de Konrad  Gröner, qui suit régulièrement l’évolution des vignes. On trouve donc Bronner, Johanniter, Solaris, Muscaris pour les blancs, Pinotin et Cabernet noir pour les rouges.



Des grands vins, sinon rien !

Côté chai, toutes les conditions et tous les moyens sont réunis pour tirer le meilleur de chaque cépage : cuves thermorégulées, barriques de diverses contenances, et même une cuve ovoïdale, la première de Belgique, « notre fleuron », dit Vanessa. La forme bien spéciale de cette cuve permet de créer un vortex qui maintient de façon permanente les lies des vins en suspension. Le tout est mené de main de maître par Mélanie Chéreau, la maître de chai française, qui s’est installée au château dès le premier millésime. « Une rencontre tombée du ciel », raconte Vanessa.  Chaque année, Mélanie essaie de trouver les processus les plus adaptés aux raisins qu’elle reçoit. Avec Vanessa et Andy, elle continue d’aller visiter d’autres vignobles pour en ramener les méthodes qui permettront à Bioul de flirter avec l’excellence. « Nous n’avons rien inventé, précise Vanessa, tout ce qui se trouve là existe déjà ailleurs ». Le maître-mot, au Château de Bioul, est de laisser s’exprimer le potentiel fruité de chaque cépage, en combinant les savoir-faire traditionnel et moderne : égrappage, pressurage doux, vinification à froid, élevage en inox et/ou en fûts… Cette année, des premiers essais d’élevage en musique ont été effectués, partant du principe que certaines fréquences agissent sur la mise en suspension des lies et donc sur le caractère final des vins ainsi obtenus. Mais tout cela n’en est encore qu’à ses prémices.



Un château en Belgique

Si 2015 est un grand tournant pour Vanessa et Andy, c’est aussi parce qu’ils sont officiellement devenus propriétaires du Château de Bioul. S’ils n’ont pas encore décidé exactement de l’avenir de cette magnifique et grande bâtisse familiale, les projets sont légion. Les plans ne sont pas encore précis, mais les visiteurs, c’est certain, ne trouveront pas porte close au château. De plus, si jusqu’alors leur petite production s’écoulait sans effort particulier, ils espèrent bien franchir pour ce millésime 2015 le cap des 50 000 bouteilles : il va donc falloir commencer à réfléchir sérieusement à la commercialisation. Aujourd’hui, quatre employés travaillent déjà à temps plein sur la propriété, sans compter les nombreux saisonniers. « Le problème à la vigne, c’est qu’il n’y a pas toujours du travail, mais quand il y en a, il y en a beaucoup ! » résume Vanessa.
Avec les vignes, le Château connait désormais une seconde vie. Sa grange est devenue cuverie, ses écuries, salle de chai. Et bientôt un espace d’accueil pour les visiteurs ? « Bien entendu », répond Vanessa, qui pousse une table dans un coin, repositionne une bouteille sur l’étagère… Avec un lieu comme celui-ci, il est logique d’accueillir du monde. « Nous ne savons pas encore exactement quand ni comment, mais nous allons le faire, c’est certain ». Et elle part vers un nouveau projet, téléphone en main et sourire aux lèvres, avant d’ajouter « Mais dans dix ans, on laisse tout cela aux enfants, et on part à la retraite sous le soleil ! ». Moi, je parie qu'ils ne seront pas guéris de sitôt du virus de la viticulture qui les a piqués...












Les vins
Terre charlot (Solaris, Johanniter)
Un vin rond, léger, entre notes exotiques et agrumes.


Terre charlotte  (Solaris, Bronner)
Un vin cristallin, entre notes minérales très fraîches et fruits jaunes plus typiques du Solaris.


Batte de la reine (Johanniter, Cabernet Blanc)
Le nez est expressif et vif, sur des notes florales et exotiques : mangue, lys, ananas. En bouche, le vin est plus serré, rappelant la minéralité du terroir de Bioul. L’ensemble est joliment complexe tout en gardent une élégance aérienne.




L’adresse :
Domaine du Château de Bioul
Place Vaxelaire, 1
5537 Bioul
+32 71 326 700




mercredi 30 septembre 2015

Les Zouaves font le Tintouin à Thuin



Si on m'avait dit que j'irai visiter des vignobles en Belgique, je l'aurais à peine cru. Et si l'on avait ajouté que j'allais découvrir un vin doux naturel dans le Hainaut, là vraiment, j'aurais été certaine d'avoir affaire à des fous. Ils sont fous ces gaulois belges! 


Et pourtant... j'ai découvert Thuin. Un village qui résiste encore et toujours à l'envahisseur, mais cette histoire là, vous la connaissez par coeur. A Thuin les jardins sont suspendus, histoire de ne pas faire comme partout, hein.  Historiquement, ces jardins avaient été aménagés au-delà des fortifications du village par les bourgeois, qui ne disposaient que de peu d’espace verts dans le village lui-même.
En 2001, le gouvernement fédéral décide de rénover les jardins suspendus de Thuin. La question se pose ensuite de leur entretien, et la ville lance un appel à projet. Puisqu’historiquement les moines y avaient planté des vignes, la distillerie de Biercée, voisine, propose d’y réimplanter un vignoble en partenariat avec la commune. Oh, la bonne idée. 
                 
   






Derrière cette idée, il y a, surtout, Christophe Mulatin, alors responsable de la production à la distillerie de Biercée, située à un vol d'oiseau de là. Il croise régulièrement Philippe Grafé, LE pionnier du renouveau de la viticulture wallone (soon starring on this même blog), lors des réunions de la Fédération Belge des Vins et Spiritueux. En pleine recherche pour installer son domaine personnel, celui-ci lui cause régent et solaris, des cépages interspécifiques, particulièrement adaptés aux conditions climatiques wallonnes, notamment en raison de leurs cycles végétatif très court (85 jours contre 100 en moyenne).
 Comme ce clos n'est qu'un jardin, le choix est fait de se concentrer uniquement sur le Régent, dont 1000 pieds sont plantés sur les 9 terrasses mises à disposition par la commune, pour élaborer un vin rouge tranquille. La première vendange est réalisée en 2003, et voilà l’un des tous premiers vins rouges réalisés en Belgique.

Où les distillateurs ajoutent leur grain d’alcool

« D’une année à l’autre, raconte Christophe, la qualité était vraiment très variable », et les résultats particulièrement fluctuants. Pas facile de vinifier des lots si petits, pas facile de s'improviser vinificateur lorsqu'on distille, même si l'on aime à déguster une fois à table...
En 2012, les conditions climatiques particulièrement difficiles font que seuls 800 litres de vin peuvent être récoltés.  Christophe Mulatin et Pierre Gérard, son comparse de la distillerie, décident de risquer le tout pour le tout, et puisque qu’ils n’ont que l’embarras du choix en termes d’alcools, ils procèdent à la mutation du moût. Perdu pour perdu, autant faire des recherches! Très contents du vin doux naturel ainsi obtenu, les deux compères décident en fait de continuer sur cette voie et depuis, ils vinifient  tous les ans du vin doux naturel issu de régent, une véritable rareté.

Si le projet est d’abord porté humainement et matériellement par la distillerie de Biercée, l’activité s’avère peu rentable, et la distillerie, rachetée par le groupe Mestdagh, souhaite bientôt s’en détacher. Les deux maîtres distillateurs, Christophe Mulatin et Pierre Gérard, se sont piqués au jeu, et sont déjà bien attachés à ce petit vignoble. Ils fondent donc une Asbl, soutenue par la commune de Thuin et l’Office de tourisme. « Cela arrange vraiment tout le monde », expliquent ils. Eux vivent leur passion, les jardins sont entretenus, et Thuin à un atout de plus pour les touristes qui viennent s'y promener.

« Le vignoble thudinien » est présidé par Jacky Collignon, qui a la chance d’habiter la première maison au pied du clos (normal, c'est lui le chef).  Les travaux de la vigne sont réalisés par l’Asbl « L’essor », qui soutient les personnes en décrochage social. Quant aux vendanges, elles sont l’œuvre de bénévoles, qui répondent toujours fort nombreux à l’appel…. Si nombreux qu’en 2015, les vendanges n’ont duré que quarante minutes! Un petit rêve pour les viticulteurs français qui courent désespérement après la main d'oeuvre entre septembre et octobre...
 Chaque année, traditionnellement, la Marche Saint Roch de Thuin, fanfare à laquelle rend hommage la dénomination « le Clos des Zouaves », et où joue presque tout le personnel de la distillerie, accompagne la cueillette de musique. Les Zouaves de Thuin font ainsi honneur à leur vin!

Le vignoble est mené depuis bien longtemps en agriculture biologique, même si la certification n’interviendra qu’au printemps prochain. « Au début nous passions préventivement de la bouillie bordelaise, car les pépiniéristes que nous avions croisé avaient beaucoup insisté sur les risques du mildiou et de l’oïdium. Nous avons ensuite espacé les traitements, pour nous rendre compte que la vigne était toujours en très bon état, jusqu’au jour où nous avons tout supprimé, sans rencontrer le moindre problème », explique Pierre Gérard. Le trèfle planté entre les rangs permet un apport régulier d’azote à la vigne. Prochainement, des ruches vont être installées, dans le cadre du plan maya pour aider à la pollinisation.
Le sous sol schisteux et les murs de pierre des jardins sont autant de capteurs de chaleur sur ce versant exposé plein sud, qui continue à chauffer la vigne durant la nuit, permettant aux raisins d’arriver rapidement et sans à coups à une maturité parfaite.

Agrandir ? Ce n’est pas vraiment à l’ordre du jour. Certes des jardins pourraient se libérer, mais aujourd’hui l’Asbl parvient déjà à peine à l’équilibre financier. Sans compter les travaux d’entretiens des jardins suspendus s’avèrent souvent très onéreux. En 2015, Thuin a poussé un peu plus loin la mise en avant de ce patrimoine exceptionnel en implantant 17 œuvres d’art contemporaines qui permettent à tous de déambuler à pied à travers le village. L’une des œuvres est précisément nichée au cœur du Clos des Zouaves.


distillerie, il faut chercher entre les alambics et les centaines de cuves pour trouver enfin la petite winery qui donne naissance aux bouteilles du Clos des Zouaves. Christophe et Pierre ont ainsi l’œil dessus de façon constante. Quatre petites cuves, un foudre en chêne, il n’en faut pas plus pour notre joyeuse équipe. L’idée est de vinifier un vin sur le fruit, de conserver avant tout sa légereté. Le régent n’a pas l’étoffe nécessaire pour faire un vin charpenté, et une sur extraction serait synonyme d’arômes verts ou de tannins grossiers. A mi- fermentation, le vin clair est tiré, le marc pressé, puis les deux jus sont assemblés. C’est alors qu’est réalisé le mutage, en ajoutant de l’alcool vinique à 80°C, une méthode semblable à celle employée par les vignerons de Maury ou de Porto. Le vin ainsi obtenu passera six mois de plus en cuve inox, avant d’être mis en bouteilles juste avant le week end de la Saint Roch (oh ça ça tombe bien alors!). 



« On s’est inventés vignerons » résument les maîtres distillateurs, qui pendant que dort leur vin doux naturel sont occupés à inventer un whisky qui va venir tout bientôt compléter la famille déjà bien nombreuse des alcools distillés à Biercée. Poire, cerise, citron, hibiscus... amenez un ingrédient, ils le distillent. Si un car de touristes anglais s'égare, soyez surs qu'ils essaieront d'en faire quelque chose de buvable, ce qui pourtant ne semble guère possible de prime abord... 





mardi 5 mai 2015

Tant qu'il y a du vin il y a de l'espoir

Traverser le vignoble de Saint Emilion, tout classé à l'Unesco qu'il soit, un 1er mai sous une pluie digne de la belle saison à Brest, a quelque chose d'angoissant. 
Frissons qui s'intensifient quand tout autour de toi tu aperçois des parcelles jaunies par l'utilisation du produit-dont-il-faut-taire-le-nom. 

Le premier domaine, Faugeres, est une véritable vitrine, un musée technique dans un écrin architectural moderne. Tout a été pensé, tout sent l'investissement de haute volée, mais le maître de chai ne sait pas parler de vignes, et les différents intervenants ont tous un discours différent...c'est impressionnant mais c'est lisse. Trop propre, trop imposant. Comme les vins. Oui il y a de la structure, mais il n'y a pas d'âme. 




Château Fombrauge. Une demeure magnifique et un vignoble qui ne l'est pas moins. Mais partout, des craquelures. Il y a cinq grands drapeaux qui battent au vent, ça fait très touristique. Mais les remorques n'ont pas été rangées, les poubelles en plastique non plus... Les lustres ne sont plus tout à fait droits...on sent le faste passé, comme si l'élégante chartreuse tombait doucement dans l'oubli. Ils font du blanc, c'est une découverte, plutôt étonnante et plutôt agréable. 


Et puis la surprise, the surprise, la cherry on the cake: château mangot. Comme la famille todeschini sait faire parler d'elle, j'en étais devenue curieuse. 
D'abord j'admire l'outil... De travail bien entendu. Un chai flambant neuf, construit avec une belle logique, simple, efficace, que tu aimerais entendre chanter les levures dedans. L'esprit aussi, on essaie, on cherche, du parcellaire, de l'intégrale...on parle d'histoire surtout, des générations d'avant. On a l'humilité de reconnaître que l'on est simplement de passage, qu'on pose juste sa pierre dans un édifice d'une toute autre stature. 




Et puis les vins. Bam. Claque. Fruité, fin. Y'a rien en trop. Ça n'essaie pas d'impressionner, c'est fait pour le plaisir et ça marche. C'est précis, juste du nez à la finale. Je ne parle même pas du censuré puisque chuuuuuut, il est confidentiel. Ce jeune rebelle est une petite bombe de fruits. Quand au Château, il va falloir réussir à le laisser dormir parce qu'il a autant d'herbe sous le pieds que les rangs de vigne juste au dessus...

Il pleut sans cesse sur Bordeaux, mais quand on sort de mangot, on a le sourire tout de même. 

lundi 27 avril 2015

Out of Bordeaux (sur un fond de requiem)

On reprend ses études, on veut apprendre, on essaie de comprendre et puis l'on doute. On se confronte à ses démons.
J'ai voulu marquer mes connaissances vins par un diplôme... une façon de me prouver de nouveau à moi même que je suis faite pour ça "Pour de vrai". Mettre une barre et l'atteindre pour confirmer ses choix.
Peut être que je ne passerai pas la barre, mais j'ai appris. Appris encore et plus qu'à Bordeaux, le vin est une caste. Il est difficile d'y rentrer, et elle exige un profil droit et carré. Une façon de vinifier, une façon d'être. Y'a les grands crus et puis "le reste". Et le reste bouhhhhhh! rassemble les petits qui osent thermovinifier, parce qu'ils veulent faire des petits vins pas prise de tête vite mis en marché... d'autres qui font du bio et n'achètent pas, ô scandale, les sacro saints produits vendus par les labos. Qui prennent le risque de ne pas contrôler le début et la fin de leur fermentation. Mon dieu, laisser faire le temps, mais quelle idée...Et ceux qui oseraient vinifier sans soufre. Ne pas coller, ne pas filtrer! Elaborer des vins qui ne seront pas de garde!
J'ai découvert que dans cette partie isolée du monde, être bloggueur c'est presque une insulte. Le vin sur internet ? Aucune importance, madame, je vous l'assure. Et un amphithéâtre qui applaudit à tout cela.
Alors oui, j'ai voulu apprendre, et maintenant j'ai compris. J'aime toujours le vin, mais pas le même qu'eux. Ce ne sont pas les grands crus de palais aux tapis rouge qui me font frissonner. Ce sont les petits, les discrets, ceux que l'on découvre par hasard. J'ai mes vins d'Homme. Ceux qui racontent une histoire qui me berce. J'aime être subjective en dégustation, parce que cette cuvée, elle est toujours meilleure quand le vigneron vous la sert que dans la grisaille de votre appartement de banlieue.
Ca, c'est la vie. Les échanges, les rencontres. Ca, c'est le vin, pour moi.
Heureusement, j'arrive encore à ressentir ces émotions, entre deux révisions de ma fiche de molécules (ethyl4phénol, éthyl4gaïacol, aminoacétophénone, benzaldéhyde, massoialactone...)
Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, et bien je dois être un peu stupide. car ces heures d'enseignements dispensées par les plus hautes autorités viti vinicoles n'ont fait que confirmé mon entêtement à aimer les petits vins, ceux qu'on aperçoit par une porte entrouverte...


Parce qu'un vigneron, un vrai, c'est celui qui prend trois heures sur son weekend de Pâques pour t'expliquer comment il applique les méthodes du vin à ses cidres. Qu'il étudie chaque pommier comme un cep, qu'il mute, qu'il fermente, qu'il fait des cueillettes tardives. Qu'il tâtonne, qu'il essaie. Il ne compte pas les bouteilles à goûter. Il veux entendre des critiques. Bref, dans ses bouteilles il y a du coeur, et dans ses yeux, des étoiles.


Il y a un peu de volatile, oui, mais le vin est vivant. Depuis quand déguste on à partir d'une feuille d'analyse ?

Il y a ce professeur du lundi matin, inattendu, qui amène de son jura natal des vins oui, mais du comté aussi. Parce que les histoires de terroir, elles fonctionnent aussi pour les fromages. Parce que cette histoire là, c'est un tout. Mais quand je suis sortie de salle de dégustation, pour la première fois, j'ai ressenti le besoin d'aller lui dire merci parce que vraiment, j'avais passé un bon moment. Simple, évident, savoureux.

















Je repartirai de là avec ou sans diplôme, mais plus riche. Mes émotions vineuses sont de plus en plus à fleur de peau...

https://www.youtube.com/watch?v=-chI3NlBcHE